L'histoire nous expulsait, et nous sommes devenus une

mémoire errante. La honte balbutiée. La brisure.

Les mots pleuvent et font des trous dans la toile noire.

En ce mois de septembre, j'ai

perdu les enfants et la raison. Leur sang ramassé dans

les sables. On me dit : c'est une trahison. J'ai dit :

notre peau n'est pas assez grande pour d'autres massacres.

Mais enfin, pourquoi parlons-nous de trahison ?

L'ennemi ne trahit pas.

COLLECTION VOIX

Dans la collection Voix le parti pris est de publier des textes poétiques ; poèmes, contes ou

récits, où domine la sensibilité,

face à la réalité et à la

nécessité d'avoir prise sur cette réalité.

Nous ne croyons pas à la révolution

dans l'« écriture », mais bien à celle qui s'opère lorsqu'à

la lecture d'un poème un individu ressent soudain différemment le monde.

Nous avons voulu éviter

l'ennui du narcissisme, les stéréotypes

de la poésie dite engagée

et qui

n'engage à rien,

les exorcismes personnels.

Et démontrer simplement que la poésie,

dès qu'elle

est ouverture sur le monde, vérité, est belle et nécessaire.


                                   Fanchita Gonzalez Batlle

Certaines traductions qui figurent ici remontent à plus de trente ans.

Elles m'ont aidé à vivre. Il est des moments où tenter de traduire un poème

est aussi salvateur que de tenter de déchiffrer une sonate au piano.

Et cela, même si l'on est un médiocre interprète.

Communion avec la langue de l'autre, avec l'œuvre et l'univers de l'autre :

quête d'un absolu, toujours remise en cause, jouissance éphémère,

et peut-être indéfiniment renouvelée.

Traduire la poésie, dans ces conditions, est une démarche amoureuse. Contre la mort.

François Maspero

Les POÉSIES TRADUITES POUR SALUER LES SAISONS par François MASPERO


INFORTUNÉ


J'ai tant brûlé sans pouvoir me détruire

Et tant pleuré sans jamais en finir

J'ai tant marché sans sentir la fatigue

Et tant vécu sans pouvoir en mourir


Et tant de mal sans sentir le remords

Tant de mensonges et garder l'illusion

Aucune joie au bout de tant de peines

Et aucun rire après tant de douleur


Jamais perdu en tant de labyrinthes

Et tant d'oublis tuant le souvenir

À quelle fin heureuse prétendrai-je?


Je serai mort avant que d'être sage

Je ne veux plus tenter de me défendre

Et je choisis d'être l'infortuné.



                                    Francisco  De  Quevedo

                                    El parnaso Espanol..., 1648 -1670

poésies

© À plus d’un titre

     À l’occasion de l’exposition au musée de l’imprimerie à Lyon en Octobre 2009, un spectacle musical a été créé “ Le sourire du chat “ avec la chanteuse Natacha Bezeriche, Mercedes Alfonso, Yvette Thibault-Verrier et l’écrivain Yves Neyrolles. Lectures musicales (sur la musique de Patrice Kalla) des poètes édités chez François Maspero :