GUY LéVIS MANO
L’OUVRIER DU POèME ET DU LIVRE
                              
                              « Les livres de GLM, même les plus menus, font non seulement le poids mais encore établissent la grâce. » 
                                                                                                                    René Char  

« J’aimais Guy Lévis Mano, qui avait son atelier dans une cour du quartier Montparnasse. II faisait tout, et seul. Ses éditions étaient des modèles de typographie, avec cette rare sobriété qui ne peut être que le fruit d’un long travail vers la perfection. Il était comme ses livres : réservé et amical. Je venais les lui acheter, et il établissait lui-même ses factures devant moi, d’une écriture qui valait encore toutes les polices de caractères du monde. Nous échangions quelques mots. L’hiver, l’atelier était glacial, nous y restions debout. Pourtant il y avait toujours une grande chaleur dans son accueil. Il était poète, il imprimait ce qu’il écrivait, il traduisait (García Lorca, Alberti, Jean de la Croix), il éditait les autres. »
                                            
                                                                 François Maspero, Les abeilles et la guêpe.















Les outils typographiques de GLM



je ne sais pas qui je suis 
je viens de terres très lointaines 
tant de sangs en moi sont tourmentés 
mon grand-père était oriental 
et j'ai on me l'a dit une aïeule juive 
je ne sais pas qui je suis 
mes lèvres n'acceptent jamais les lèvres 
présentes
je sais qu'il doit exister des lèvres meilleures 
je ne sais pas où
là-bas
et mes lèvres sont tendues vers 
les inexistences 
toujours

Guy Lévis Mano
















        


« GLM parlait plus aisément de son métier de typographe que de sa poésie. Il se réclamait de sa qualité “d'artisan”, rarement de celle de “poète” ; il répétait, non sans fierté “qu'il avait réussi le travail de ses mains”. » 
                                                          Andrée Chedid, Guy Lévis Mano, Seghers 1974
    




            Guy Lévis Mano naît le 15 décembre 1904 à Salonique. Il arrive en France en 1918, il sera naturalisé en 1927. En 1933, il réalise ses deux premiers livres, Il est fou ! et Ils sont trois hommes, sur la presse à levier que lui a laissée un ami poète. C’est la naissance des éditions GLM. En 1936 il s’installe au 6, rue Huygens, dans le quartier Montparnasse. De 1940 à 1945 Guy Lévis Mano est prisonnier de guerre en Allemagne. En captivité il écrit : Image de l’homme immobile sous le pseudonyme de Jean Garamond, édité par Les Cahiers du Rhône en 1943. 
En 1945 il reprend son activité d’éditeur en relation avec René Char, Andrée Chédid, Tzara, Paul éluard, Joe Bousquet, Desnos... avec les peintres et sculpteurs Alberto Giacometti, Francis Picabia, Joan Miro, Jean Arp, Max Ernst, Pablo Picasso, Jacques Villon, Henri Michaud, André Masson, Hayter, Lam, Louis Marcoussis, René Magritte, Man Ray… Il édite deux revues : Le Temps de la Poésie et Nouvelle Série des cahiers GLM. 



        Dans un article paru dans Arts et Métiers du livre en 1989 Jean-Hugues Malineau écrit : « À la fin de l’année 1974, GLM cessera son activité en nous donnant une mince plaquette (sa 553e) de Chateaubriand intitulée Avenir du Monde. Le titre s’annonce porteur de messages pour les temps futurs, parmi ceux-ci nous lisons  : « La découverte de l’imprimerie a changé les conditions sociales ; la presse, machine qu’on ne peut plus briser, continuera à détruire l’ancien monde, jusqu’à ce qu’elle en ait formé un nouveau : c’est une voix calculée pour le forum général des peuples... » Toutes ces « voix de la terre et tous ces peuples, GLM s’est appliqué à nous les faire rencontrer. » Quand François Maspero créera sa collection de poésie Voix il pensera à la collection Voix de la terre. Guy Lévis Mano meurt le 25 juillet 1980 à Vendranges (Loire). Joe Bousquet dira de lui : « Il a donné un empire à la poésie. »



    « Le typographe face à un texte est dans la même position que le traducteur : rendre intelligible et adapter. Il est aussi dans une situation comparable à celle de l’illustrateur, et l’on comprend mieux la prévention qu’il eut à l’égard de celui-ci dès qu’il sentit en lui une sorte de compétiteur. Cette conception si exigeante de son métier, lui seul pouvait l’accomplir. C'est pourquoi GLM ne me semble pas un modèle, plutôt un exemple. Le travail de GLM se veut toujours une « interprétation typo- graphique » du texte… Le choix des caractères est toujours fondamental. GLM considère que chaque famille de plomb a sa propre personnalité, mais ce n'est plus qu’une des opérations de la construction du livre... GLM, peu à peu, fit sien le souci de rigueur et de lisibilité qui les conduisait à écarter tout élément distractif, bornant ceux-ci à la périphérie du livre. Il utilise d’abord, jusqu’en 1933, chez Beresniak, le Latino antique et l’Albion. Après 1933, il utilisera le Gill et le Didot. Il commence à innover dans la mise en place des lettres. 1935 -1939 : il emploie une quinzaine de caractères : quatre d’entre eux dominent, qui ne furent presque plus utilisés par la suite : les Metro, plus ou moins gras et sans empattement, le Série 18 si différent en romain et en italique, le Ronaldson toujours en petits corps, et le Plantin presque uniquement en corps 18. Ensuite, il choisit des corps plus petits qu’avant guerre. Les six caractères le plus souvent utilisés sont le Fournier (jusqu'en 1955) en corps 9 à 12 seulement, le Garamond et le Plantin, et d’une manière plus espacée, le Bodoni, le Baskerville et le Caslon. »


                                          A. Coron, Les Éditions GLM, Bibliothèque Nationale, 1981

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