L’ÉDITEUR ET SON CATALOGUE
                              
            









                    
   « Maspero, pour moi, c’est d’abord une légende. Comme un mantra d’initiés, un vocable qui accompagnait l’interdit, le subversif, le marronnage, la résistance qui se prépare au bond. C’est aussi comme un bout de formule secrète qui inaugurait la mise en transformation de moi-même et du monde. »

                                                                         Patrick Chamoiseau, Un sacré colibri ! 



 
    « Un éditeur, ça se définit par son catalogue. Il y a le catalogue des livres qu’il a sortis, et puis il y a le catalogue, en tout cas pour moi beaucoup plus important, des livres qu’il n’a pas sortis. Et je suis très fier de voir qu’il y a un tas de bouquins que je n’ai pas sortis. Il y a un troisième catalogue qu’on pourrait faire, c’est celui des livres qu’on a fait paraître chez d’autres éditeurs, par sa seule existence : ça serait aussi très, très important. Je suis bien content de voir paraître un tas de livres qui n’auraient pas été publiés si je n’avais pas existé, parce que, tout simplement, des éditeurs les publient uniquement, soit parce que j’ai lancé ce style de publications, soit parce qu’ils ne veulent pas qu’ils soient publiés chez moi. Ça, c’est très chouette, aussi. Et puis il y a des moments aussi, où ils n’ont pas besoin de nous pour publier… Enfin… en 68, par exemple, cette ruée des éditeurs, ç’a été quelque chose d’absolument obscène, ils se sont tous rués sur les événements de Mai parce qu’ils ont vu qu’il y avait plusieurs centaines de milliers de personnes dans la rue et que ça pouvait faire plusieurs centaines de milliers d’acheteurs, alors ils se sont mis à publier, à publier, à publier comme des cochons. Et ça, c’est assez écœurant. Enfin, je dois dire que nous, on a pas beaucoup sorti de livres sur Mai sauf surtout des livres sur les grèves, dans les usines, chez Renault-Cléon, à Flins ou même à Saclay. Ça, c’était important de les sortir… Finale- ment, la plupart des livres qui sont sortis sur Mai, c’est une espèce d’éternelle autoglorification du mouvement étudiant — c’est formidable ce que nous avons fait, on était sur les barricades — mais pas tellement de choses constructives sur les luttes à venir, et dieu sait que des luttes à venir, il y en a. »
                                                            François Maspero Les mots ont un sens, 1969
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