Le texte...
Le propos – éliminer ce « magiquisme tragique » représenté sous la forme de « Lettres qui tournent telles des mouches au-dessus de leurs propres cadavres » –, semble avoir trouvé sa voie dans la récupération de la tradition romanesque dans son ensemble et la joyeuse acceptation de toutes les influences, pourvu qu’elles soient pétries de finesse d’écriture et d’intelligence de la pensée. On trouve ainsi celles de Kafka et d’une certaine littérature gothique dans Impossibilité des corbeaux (Mille et une nuits, 2001), des thématiques du double et du labyrinthe largement enrichies par Borges dans Amphitryon (Gallimard, 2001). En même temps, Padilla porte systématiquement son intérêt vers des situations et des contextes non latino-américains : les deux guerres mondiales dans Amphitryon, l’Union Soviétique de la guerre froide dans Spirale d’artillerie (Gallimard, 2007), les empires coloniaux finissants dans son recueil de nouvelles Les Antipodes et le Siècle (A plus d’un titre, 2010). Parallèlement à son œuvre romanesque, voici une dizaine d’années que I. Padilla s’est en effet lancé, dans une tétralogie centrée sur la nouvelle. Les Antipodes et le Siècle constitue le premier volet de cette « Micropedia », suivie bientôt de El Androide y las quimeras (L’Androïde et les Chimères, à paraître chez A plus d’un titre). La nouvelle, chez Padilla, est le royaume halluciné de l’exceptionnel, où c’est toujours le plus invraisemblable le plus susceptible de se réaliser sous nos yeux.
Les personnages des douze nouvelles des Antipodes sont des aventuriers malgré eux, des soldats amnésiques, des géographes perdus, des diplomates emportés par le tourbillon des empires coloniaux finissants, des êtres exclus de leur propre vie mais à qui leur condition permet d’entrevoir plus d’un gouffre insolite, de faire tinter jusqu’à nous plus d’une fêlure de l’âme humaine.