Un bon mauvais larron
"Georges Arnaud", par Roger Martin
On lui doit l’un des plus beaux frissons du cinéma et de la littérature. Pour Le salaire de la peur, Georges Arnaud a bien failli recevoir le prix Goncourt en 1950. La vie tourmentée de l’auteur a fait reculer les jurés, in extremis.
Georges Arnaud n’est qu’un pseudonyme. Il cache Henri Girard, fils de famille parisien, accusé en 1941 d’avoir assassiné, à coups de serpe, son père, sa tante et une domestique. Le jeune homme a vingt-quatre ans ; il prépare le Conseil d’Etat. Après dix-neuf mois de prison préventive, il est acquitté. Mais il est devenu un "dur" qui ne rêve plus que d’aventures et de trafics. Il les trouvera en Amérique latine, où il passe deux ans en compagnie de policiers véreux, d’anciens bagnards. Il en rapporte la matière d’un livre, Voyage du mauvais larron, son chef-d’œuvre. Rapidement, il met sa célébrité au service de toutes les causes de justice. Quand la torture devient monnaie courante dans l’Algérie en guerre, il est le premier à alerter l’opinion internationale. Dans l’Algérie indépendante, où il s’établit de 1962 à 1974 avec femme et enfants, Arnaud redevient un homme apaisé, fraternel et modeste. Il aide le nouveau pays à développer sa presse, son cinéma, sa radio, sa télévision.
Roger Martin ne se contente pas, ici, de redonner vie à ce personnage picaresque que fut Arnaud Girard, mort à Barcelone en 1987. Il rappelle aussi ce que furent pour les intellectuels engagés les années d’après-guerre, puis les années algériennes. Une biographie impeccable.