Extrait...
Tout ce que je savais sur le petit garçon de la pâtisserie, c’est qu’une certaine mythologie animale avait présidé à sa naissance. Son père était un berger sicilien d’une grande rigueur. Sicilien approximatif, car sa région de naissance constituait une petite enclave de l’Albanie – bref, un lopin de terre qui n’intéressait que les gens du coin, ce qui avait favorisé chez eux le détachement vis-à-vis des problèmes de ce monde, politiques ou autres. Ils étaient passés à côté des siècles. Sa mère abondait dans ce sens : si elle voyait les choses de haut, ce n’était pas au nom d’une philosophie ou même de principes éducatifs piochés dans des ouvrages pour dames. Les rapports humains, dans la communauté, étaient fixés depuis la nuit des temps. Même cette notion de temps ne faisait l’objet d’aucune représentation. Un jour, paraît-il, une brebis avait pris la clef des champs. Cet événement était tout bonnement impossible. Elle attendait alors Baudino. (C’est pourquoi il aimait à revenir sur cette anecdote, comme si elle était au fondement de sa vie, comme si elle ressortait de son premier acte conscient). « L’en manque une », annonça le père en rentrant. « Une quoi ? »
Une bête.