Les petits métiers

Disc-jockey

Ou D.J. – prononcer «didjè». Personne qui passe des disques dans une boîte de nuit, une station de radio. À l’origine, la plus matérielle et la plus basique des fonctions d’animation festive. Par l’effet conjugué de l’ennui d’une besogne répétitive et de l’aspiration légitime de chacun à s’élever dans la société, le D.J. s’est peu à peu affranchi de sa tâche en la sublimant : il s’est mis à détourner la musique qu’il était censé diffuser. Par des procédés qui portent des noms américains mais consistent en fait à manipuler, trafiquer l’outil de base, disque, cd ou bande magnétique, il s’approprie le matériau sonore pour produire des oeuvres de son cru... Le «son» ainsi obtenu réalise ce paradoxe de créer de la nouveauté uniquement à partir d’éléments préexistants. De même que le vidéaste remplace le cinéaste, que le plasticien supplante le peintre, que le critique écrit à la place de l’écrivain, de même que le commissaire d’exposition ou l’ingénieur culturel ont pris la prééminence sur le créateur, et à un autre niveau, que le communicant a phagocyté l’homme d’état, le D.J. fait de l’ersatz de musique une musique à part entière. Ou du moins, présentée et vendue comme telle. Après tout, l’industrie utilise des robots pour fabriquer des objets réels et viables.