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Pasolini, passionnément


DIMANCHE 16 JUIN 2013

Marc-Olivier Parlatano


ESSAI

Rappeler quelques lignes de force de l’œuvre du cinéaste italien Pier Paolo Pasolini, c’est ce qu’entend réaliser Jean Duflot dans Pasolini, mort ou vif. En un peu plus de deux cents pages, l’écrivain, essayiste et journaliste français revient sur les films et l’engagement socio-politique du cinéaste de Théorème et de Salo ou les 120 journées de Sodome. Sans afficher la prétention d’avoir le dernier mot sur Pier Paolo Pasolini (1922-1975), l’auteur explore l’univers de la création pasolinienne, entre ruines antiques et habitat populaire. Jean Duflot précise d’entrée que sa démarche ne vise pas l’exhaustivité, que ses hypothèses ne relèvent que d’une opinion personnelle: «Elles viennent de quelques occurrences thématiques où revient le souci du corps, de la sexualité et de l’érotisme.» Et selon lui, cette triple préoccupation ne peut être dissociée de la conception de la critique sociale, de l’engagement politique et du sacré qui ont influencé l’œuvre de Pasolini.
Ainsi, les films de Pasolini n’ont rien perdu de leur mordant près de quatre décennies après la mort violente de l’intéressé, tué sur une plage d’Ostie, en Italie, dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975. Découpant son exposé – l’ouvrage réunit entre autres des textes initialement oraux, prononcés lors de conférences puis remaniés – en divers thèmes, l’essayiste met en avant un Pasolini partisan du rire contre la mort, voire un penseur dont le propos peut sembler prophétique: «Dans l’utopie pasolinienne, le grand chambardement des structures du pouvoir pourrait advenir de l’entropie (usure) du système.» Et Duflot de noter qu’à en juger par la crise actuelle du capital financier, l’hypothèse de l’arrivée d’une implosion ne paraît pas totalement invraisemblable.
Il ne s’agit pas ici de détailler pas à pas le contenu de cet essai. Jean Duflot revient sur maints films de feu Pasolini, soulignant que ceux-ci séduisent toujours un public non-conformiste alors que le temps a passé. Pour Duflot, le poète et cinéaste italien laisse après lui un héritage riche et complexe, ainsi que des visions du présent et de l’avenir. L’auteur avance une explication à ce qu’il appelle la pérennité des 24 films (fiction et documentaire) de Pasolini: «Il a toujours eu la hantise de la nature transitoire, éphémère de la vie. Il sait que les événements se démodent, que l’histoire est une métamorphose perpétuelle. Il abandonne la Rome suburbaine qui se délite et aborde les rivages intemporels du mythe (Œdipe, Médée, Les Mille et Une Nuits).» Enfin, Duflot conclut  ce livre riche et empreint de passion en soutenant que l’œuvre de Pasolini demeure ouverte et tributaire de ses futurs usagers; l’histoire n’est donc pas verrouillée, laisse-t-il entendre.