La plainte fut longue, et d'une longue beauté. Elle naquit d'un mouvement d'air, au coeur d'une poitrine et se perdit dans un autre mouvement d'air, que l'on nomme le vent. Elle commença dans le microcosme de l'humain biologique et mourut dans le macrocosme également, du voisinage des étoiles qui fascinent les hommes.
Elle prit soin en chemin de faire frémir un arbre, sourd comme peuvent l'être les arbres, mais sensible pourtant et qui en frissonna. Elle rasa une prairie et quelques idées éparses, évita un oiseau, transperça un nuage mais ne lui fit pas mal. Elle tourbillonna un instant et s'attarda sur une feuille, volante comme elle mais vierge, puis sur un sac plastique épris de liberté aveugle et de propagande commerciale. Elle se confondit une seconde avec l'eau d'une fontaine et s'irisa en écume diffuse et prismatique pour émerveiller trois passants et un photographe. Les enfants ne remarquèrent rien. Déçue, elle prit quelque hauteur et s'étira pour se désembrumer et occuper un peu plus d'espace.
(Extrait de l'avant-propos)